Les entreprises démunies face aux pouvoirs d’enquêtes d’entités nationales et étrangères ?
Force est de constater que les entreprises sont de plus en plus confrontées à des demandes de communication, voire à des saisies de documents.
En effet, dans le cadre d’enquêtes sur le territoire national, la Direction Générale de le Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), l’Autorité de la Concurrence (ADLC), la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL), l’Agence Française Anticorruption (AFA), l’Autorité de Marchés Financiers (AMF) disposent de pouvoirs d’enquête leur permettant de mettre la main sur nombre de documents appartenant aux entreprises, au rang desquels, notamment, les avis juridiques internes qui, contrairement aux consultations et correspondances des Avocats, ne sont pas couverts à ce jour par le secret professionnel.
Ces documents peuvent également être saisis à la demande de tout intéressé dans le cadre de procédures visant à préconstituer des preuves avant tout procès sur le fondement de l’article 145 du Code de Procédure Civile.
Or, ceci n’est pas sans poser de graves difficultés dans la mesure où les avis juridiques internes sont susceptibles, et c’est là bien souvent leur rôle, de souligner les risques pris par l’entreprise qui fait l’objet des mesures d’investigations ou de saisie.
Ce qui est encore plus préoccupant, c’est que ces mesures d’investigations impliquant communication peuvent avoir une origine extraterritoriale. Notamment les pouvoirs publics américains se sont arrogé le droit d’exiger la communication de documents et avis juridiques internes dans le cadre d’enquêtes en matière de corruption.
Le risque est pris très au sérieux par les autorités françaises. Un Rapport Parlementaire du 26 juin 2019, intitulé rien de moins que : « Rétablir la souveraineté de la France et de l’Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale » a été établi par M. Raphaël Gauvain député LREM.
La nécessité de protection des avis juridiques internes des entreprises y est particulièrement soulignée. Des solutions sont à l’étude. Toutefois, à ce jour, seules les consultations et correspondances des Avocats bénéficient du secret professionnel qui est d’ordre public et ne peut être levé que dans le cadre de procédures pénales, notamment lorsque l’Avocat est impliqué lui-même dans la commission de l’infraction. A cet égard, des consultations juridiques internes à l’entreprise, même revêtues de la mention « confidentiel » n’offrent donc aucune protection. Elles sont susceptibles d’être saisies avec les conséquences potentiellement attentatoires au secret des affaires voire de nature à engager la responsabilité civile et ou pénale de l’entreprise.
Dans ce contexte, des mesures d’organisation interne des entreprises s’imposent pour conférer aux avis juridiques la confidentialité nécessaire.
Charles-Edouard Desforges
Lawyer at the Paris Bar
Partner, in charge of business law and litigation activitie